Les crémants de Bourgogne Grands Terroirs de Louis Bouillot

Un non-expert qui se plongerait en 2023 dans l’histoire viticole de la Bourgogne et les archives des maisons serait surpris de trouver la mention dans les livres de comptes et d’intrigantes étiquettes de Romanée mousseux, de Clos de Vougeot mousseux ou encore de Montrachet mousseux. Les raisins issus des plus grands terroirs de la région la plus prestigieuse du monde ont été à certaines périodes vinifiés en effervescents. Je consacrerai certainement un article à cette histoire aujourd’hui « oubliée » mais il faut l’avoir en tête lorsque l’on regarde émerger aujourd’hui des crémants de Bourgogne qui mettent en avant un terroir spécifique. Une poignée de maisons s’attachent à donner un nouvel élan au crémant de Bourgogne en faisant monter en gamme ce produit qui semble avoir atteint un plafond de volume et la maison nuitonne Louis Bouillot a été pionnière dans cette démarche.

Louis Bouillot

Fondée en 1877 et entièrement tournée vers la production de vins effervescents à partir de 1905, la maison Louis Bouillot est tombée en sommeil en 1976 suite au décès de François Bouillot dont les enfants étaient trop jeunes pour prendre sa suite. Rachetée par le groupe Boisset en 1997, la marque a connu une expansion vertigineuse puisqu’elle commercialise aujourd’hui 3 millions de cols par an (24 millions de bouteilles de crémant de Bourgogne ont été vendues en 2022, ndlr).

La maison possède 170ha de vignes – ce qui satisfait 30% de ses besoins en raisins – et s’approvisionne auprès d’une centaine de vignerons partenaires avec des contrats à long-terme : Louis Bouillot a été la première maison a établir des contrats de 15 ans pour assurer une stabilité à la fois des revenus des vignerons et de ses approvisionnements pour garantir le style des différentes cuvées.

Les 130 cuves permettent de vinifier très précisément avec la séparation de la cuvée et de la taille (les deux qualités de jus lors du pressurage), des différentes régions de la Grande Bourgogne, de certains lieux-dits qui sont isolés, etc.

Les Grands Terroirs

La démarche de Grands Terroirs a débuté en 2003 avec 4 cuvées : les Trois-Saints (assemblage 100% chardonnay de trois villages portant le nom de Saint Saint-Aubin, Saint-Romain et Saint-Véran), Vallée du Serein (100% chardonnay des terroirs de Chablis), les Grandes Rayes (100% pinot noir issus d’une parcelle située au pied de la Combe Lavaux à Gevrey-Chambertin) et Dessus les Vermots (100% pinot noir issus d’une parcelle située à Savigny-les-Beaune). Ces cuvées étaient élaborées à partir de raisins achetés auprès de vignerons partenaires.

J’ai pu redéguster la cuvée Dessus les Vermots dont il reste quelques dizaines de bouteilles à la boutique de La Verrière, l’écrin de Louis Bouillot à Nuits Saint-Georges.

Après 9 ans de vieillissement sur lattes, c’est un magnifique exemple de crémant qui comblera les amateurs d’effervescents « matures », on a des notes miellées, de noisette, d’oxydation ménagée tout en ayant encore une très belle énergie en bouche. A 14,90€, un rapport prix/sensations assez imbattable !

Depuis 2014, Louis Bouillot constitue son vignoble et mène des études de terroirs associées à des vinifications parcellaires et des dégustations comparatives. 12 parcelles avaient été sélectionnées, 3 ont été jugées supérieures et totalement adaptées à l’élaboration de crémants uniques. Entre la première génération de grands terroirs et la nouvelle collection qui sort en 2023, la philosophie a évolué : en 2003, on voulait en premier lieu de belles appellations et on a regardé si l’on pouvait faire de très grands crémants, en 2014 on a renversé la question en cherchant s’il y avait des parcelles particulièrement adaptées à la production de crémants (les meilleurs équilibres) au sein du vignoble maison.

Carte d’identité des 3 terroirs retenus :

Les Lavots

© David Guichard

Nous sommes dans le nord de la Bourgogne, aux portes de la Champagne. Louis Bouillot possède 55ha de vignes sur La Grande Côte exposée sud-sud-est à 300m d’altitude. Sur les 40 parcelles qui composent ce vignoble de vignes hautes et basses, jeunes et vieilles plantées sur un sol très caillouteux composé de calcaire kimmeridgien, 1 parcelle de 3,46ha a été isolée (1,97ha de pinot noir et 1,49ha de chardonnay). Cette parcelle est conduite en vignes larges et des couverts végétaux ont été introduits  (seigle, avoine, vesse et trèfle).

© David Guichard

Chenôvre

© Eric Andriot-Régnier

Le vignoble de Chenôvre est une parcelle de 16ha dans les hauteurs (410m d’altitude) de Savigny-les-Beaune entourée de bois, longée par un champ, un havre de paix pour la faune sauvage. Cette parcelle appartenant aux hospices de Dijon a été confiée à Louis Bouillot et les travaux manuels sont réalisés par l’ESAT de Beaune. Les raisins choisis pour la cuvée Grands Terroirs sont issus d’une sélection des rangs de vieilles vignes de chardonnay situés en haut du plateau reposant sur un sol argilo-limoneux à dominante calcaire lacustre. La parcelle est plantée en vignes hautes à 3300 pieds/ha avec des rangs très larges.

© Eric Andriot-Régnier

En Bollery

Ⓒ Bénédicte Manière

En Bollery est au coeur de la Côte de Nuits, séparée du Clos de Vougeot (classé grand cru) par la route départementale. La parcelle de 9,6ha (7,2ha de pinot noir et 2,4ha de chardonnay) a été plantée en 2013/2014. On trouve ici des sols argileux profonds, une conduite en vignes hautes et larges, un enherbement spontané qui laisse parfois la place à des couverts végétaux. Parmi les 7,2ha de pinot noir, 4,82ha ont été sélectionnés pour élaborer la cuvée Grands Terroirs.

Ⓒ Bénédicte Manière
Ⓒ Bénédicte Manière

La vinification des Grands Terroirs de Louis Bouillot

Les choix d’élaboration des cuvées Grands Terroirs sont à la hauteur de l’ambition :

  • Récolte manuelle, tri des raisins à la parcelle et raisins acheminés rapidement au pressoir
  • Pressurage doux et lent de 4h (à la champenoise)
  • Seule la cuvée est utilisée (première fraction du jus obtenu lors du pressurage) : il faut donc 200kg de raisin pour 100 litres de jus
  • Après 24h de débourbage, 1/3 de la cuvée est vinifiée en fûts de chênes français de 2 à 4 vins, les fermentations alcoolique et malolactique se font dans les fûts avant un élevage de 7 à 9 mois sur lies totales. L’autre partie est vinifiée en cuves inox (thermorégulées à 18°C et inertes)
  • L’élevage sur lattes dure de 40 à 52 mois (= 3 à 4 ans et plus)
  • Le dosage est extra-brut (4g/l environ) et les vins sont dégorgés par petits lots pour garder la fraicheur, la maison respecte un temps de repos de 3 mois post-dégorgement avant la commercialisation.

.

.

J’ai été invité à découvrir cette gamme Grands Terroirs à la Verrière de Louis Bouillot à Nuits-Saint-Georges, magnifique écrin ouvert par la maison à la sortie du confinement. Le grand public peut suivre un parcours immersif pour découvrir l’élaboration du crémant puis déguster sous une verrière de style art nouveau (plusieurs formules de dégustation, de 12 à 45€ par personne).

.

Dégustation des Grands Terroirs



Chenôvre millésime 2017 (4 044 bouteilles)
100% Chardonnay (Savigny-Les-Beaune)
Un blanc de blancs gourmand, opulent dès le nez : il y a un peu de vanille, des notes grillées. De la vivacité en début de bouche, une belle rondeur en milieu, une pointe de caramel, c’est très vineux. Le dosage est un peu plus perceptible sur cette cuvée dans la finale, je recommande de la déguster légèrement plus fraiche que les deux autres.

Les Lavots millésimes 2017 (5 659 bouteilles)
60% pinot noir, 40% chardonnay (Molesme)
Des notes minérales pénétrantes au nez, il y a de l’intensité, de la complexité, puis en bouche davantage de glycérol que les deux autres crémants donc c’est très gras avec une texture légèrement huileuse. Une pointe d’épices apparait en fin de bouche. J’attache beaucoup d’importance aux sensations tactiles et à ce stade, c’est pour moi le crémant le plus abouti des 3 qui à l’aveugle nous emmènerait vers des champagnes très bien élaborés !
Coup de ❤️

En Bollery millésime 2018 (3 150 bouteilles)
100% pinot noir (Vougeot)
Très beaux arômes de fruits rouges, notes finement toastée. En bouche, on est séduit par la grande élégance, la bulle est ciselée, c’est très subtil et précis dans la trame avec une très belle longueur dans laquelle on sent une pointe d’élevage en fût de chêne. Le dosage est juste, quelle jolie acidité ! Un millésime d’écart et 1 an d’élevage sur lattes en moins par rapport aux deux autres, il est donc encore jeune mais déjà superbe dans son style.

Un déjeuner a suivi la dégustation, l’occasion de prouver une nouvelle fois que comme pour les champagnes, le repas est un terrain de jeu idéal pour les crémants de Bourgogne : on peut jouer sur l’effervescence, l’acidité, la rondeur, les arômes pour créer de beaux dialogues avec des plats !

« Chenôvre » pour accompagner un tartare de daurade, vinaigrette croquante au vinaigre de Calamansi
« Les Lavots » pour accompagner un jarret de beau & légumes du marché
« En Bollery » pour accompagner la sélection de fromages de M. Hess, Maître fromager : citeaux, Brillat-Savarin et Brillat-Savarin truffé

Les cuvées sont vendues 19,90€ TTC pour « Chenôvre » et « Les Lavots », 23,90€ pour « En Bollery », elles sont notamment disponibles à la Verrière à Nuits-Saint-Georges. Je recommande la dégustation de l’un de ces flacons pour se faire une idée du potentiel des grands crémants de Bourgogne !

Comment on this post

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *