La Cuverie des Ursulines de Jean-Claude Boisset

Le ciel est bleu et seule une légère brise fait tressaillir la végétation lorsque nous franchissons le portail de la Cuverie des Ursulines rue des Plateaux à Nuits-Saint-Georges en cette matinée exceptionnellement douce du mois d’avril. Tout juste pouvons-nous deviner que nous sommes sur un site de production de vin tant celui-ci a été pensé pour se fondre dans le paysage.

Accueillis par Nathalie Boisset, nous traversons rapidement le hall afin de nous rendre dans le jardin où nous allons prendre l’apéritif en écoutant notre hôte expliquer les origines de la Cuverie des Ursulines qui est sortie de terre en 2014 et a connu ses premières vendanges en 2018.

Un bourgogne blanc et des gougères au comté, l'apéritif bourguignon par excellence
Gougères et Bourgogne Blanc, on ne fait pas plus bourguignon !

La maison Boisset

Fondée en 1961 par Jean-Claude et Claudine Boisset, la maison Jean-Claude Boisset est aujourd’hui dirigée par leurs enfants Nathalie et Jean-Charles Boisset. La maison Boisset est devenue au fil des années un groupe majeur du paysage viticole, rassemblant par acquisitions successives et créations de domaines des maisons dans un premier temps bourguignonnes, puis françaises (Beaujolais, Vallée du Rhône, Jura, Languedoc) et plus récemment internationales (Californie, Canada).

La maison Jean-Claude Boisset est donc le point de départ de l’aventure entrepreneuriale de la famille, elle produit à ce jour entre 250 000 et 300 000 bouteilles chaque année (seulement 3ha de vignes en propriété, le reste en achat de raisin auprès de vignerons avec lesquelles ils ont des contrats de longue durée).

Grégory Patriat ©Maison Jean-Claude Boisset

2002 a été une date importante pour la maison puisqu’elle a marqué l’arrivée de Grégory Patriat comme vinificateur. Après avoir fait ses armes notamment auprès de Lalou Bize Leroy, il forme aujourd’hui un tandem avec la jeune oenologue Laure Guilloteau dans l’élaboration des vins de la maison avec un haut niveau d’exigence tant à la vigne avec les partenaires que dans les choix de vinification.

Parce qu’elle est le point de départ de l’aventure entrepreneuriale et parce qu’elle porte leur nom, la maison Jean-Claude Boisset est évidemment très importante pour Nathalie et Jean-Charles Boisset qui ont souhaité lui donner un écrin à la hauteur de ce qu’elle symbolisait pour eux. Pour mener à bien ce projet, ils ont sélectionné un lieu chargé d’histoire – l’ancien couvent des soeurs Ursulines – et ont fait appel à nul autre que Frédéric-Olivier Didier, Architecte en Chef des Monuments Historiques qui a notamment en charge le Château de Versailles (ainsi que les nombreux monuments historiques de la ville) et le départements de la Saône et Loire (dont l’Abbaye de Cluny).

La Cuverie des Ursulines est le résultat d’un projet ambitieux et on peut considérer qu’elle marque à bien des égards un tournant dans l’architecture viticole bourguignonne.

Les soeurs Ursulines à Nuits-Saint-Georges

Parce que la charge historique du lieu est un des éléments essentiels de la Cuverie des Ursulines, comment ne pas dire quelques mots de l’histoire de ces soeurs qui se sont installées à Nuits-Saint-Georges en 1634 ?

L’Ordre de Sainte-Ursule a été fondé en 1535 à Brescia en Lombardie (Italie) et se consacrait à l’éducation des jeunes filles. L’Ordre va s’implanter en Bourgogne via Dole (1606) puis Dijon. Après s’être installées dans une modeste maison à leur arrivée dans le village qui deviendra plus tard Nuits-Saint-Georges, les Ursulines vont petit à petit s’étendre jusqu’à construire un Couvent, entre 1717 et 1730. Le nombre de soeurs va augmenter au cours du 18e siècle jusqu’à atteindre la barre des 40 lorsque la Révolution éclate.

Lors de la Révolution française, le Couvent va être saisi au titre de bien national et l’ensemble du domaine va être vendu en deux lots. Les Ursulines vont se disperser, rejoignant des couvents préservés ou retournant dans leurs familles.

Le négoce viticole va prospérer sur l’ancien emplacement du couvent qui sera en grande partie rasé. La seconde guerre mondiale et les dégâts provoqués par la destruction des ponts pour ralentir l’arrivée des Alliés vont achever de détruire les bâtiments dont il ne subsistera que les fondations, une crypte et quelques vestiges en surface.

La maison Boisset fait l’acquisition du site et des bâtiments qui s’y trouvent en 1983.

Visite de la Cuverie des Ursulines

Le jardin

La visite des lieux que le grand public peut effectuer sur réservation débute dans le jardin. De ce point de vue central, on peut observer la volonté de reconstruire les bâtis, avec notamment ce promenoir, élément emblématique des couvents et monastères. Les parterres sont fleuris, on trouve une fontaine, un kiosque. Le tout concourt à créer une ambiance paisible qui invite au recueillement, à la méditation.

©Maison Jean-Claude Boisset

Alors que nous nous dirigeons côté vignes, un étrange bassin nous interpelle. Un quartz trône au centre et de l’eau circule dans une rivière construite en pierre de Bourgogne puis termine sa course en tourbillonant dans un entonnoir. Nathalie Boisset nous explique qu’ils ont souhaité construire un lieu basé sur la circulation des énergies, en travaillant avec le géobiologue Georges Prat. Ce bassin est appelé le Vortex et est le point central de l’axe tellurique avec l’angle droit de la Maison de la Mère Supérieure, du vitrail de la cuverie et de l’axe du promenoire.

Le toit végétalisé de la Cuverie des Ursulines

Nous montons ensuite sur le toit végétalisé du Dôme de la cuverie, une idée ingénieuse qui permet au bâtiment de se fondre dans le paysage viticole et donc de le respecter.

©Maison Jean-Claude Boisset

De la vigne a été plantée mais ce n’est ni du Chardonnay, ni du Pinot Noir. On trouve également des rosiers, sédum et arbres fruitiers qui forment un damier rappelant les tuiles vernissées bourguignonnes.

Au centre du dôme, 30 variétés de pommiers palissés ont été plantées pour former un cercle autour de l’oculus, un puit de lumière qui éclaire la cuverie.

La vue est superbe : d’un côté la vigne, de l’autre le village de Nuits-Saint-Georges.

Cuverie

Nous pénétrons à présent dans la cuverie, impressionnante avec ses 11 mètres sous voûte pour répondre aux principes de la géobiologie.

Tout a été pensé dans un but écologique, bioclimatique. Le bâtiment est passif. Il consomme peu d’énergie : les 1500m3 de terre nécessaires à la végétalisation du toit proviennent de l’exaction de la nouvelle cave et servent d’isolant naturel. La cuverie n’est pas climatisée, on se sert des flux naturels comme la ventilation. On récupère les eaux de pluie et des peintures à l’eau non polluantes ont été utilisées.

Dans cette cuverie de 1200m2 se trouvent 54 cuves bois de vinification (de 17 ans puis quelques unes de 3 ans avec des contenances de 15, 35, 45 et 55hl afin de pouvoir s’adapter à la taille des différentes parcelles) ainsi que 20 cuves inox de 10, 30, 60hl et 5 de 100hl.

Les équipes travaillent au maximum par gravité, aussi bien pour mettre les raisins dans les cuves de vinification que pour entonner ensuite les futs dans les caves puis mettre le vin en bouteille. Cela permet de ne pas utiliser de pompes et de traiter les jus avec le plus de soin possible.

Au sol, on trouve une représentation des 12 signes du Zodiac. Au plafond a été reproduit une constellation un soir de vendange et un vitrail monumental représentant une feuille de vigne donne une atmosphère mystique au lieu et est évidemment un hommage au couvent qui se trouvait autrefois là.

Les caves de la Cuverie des Ursulines

La visite se poursuit dans les caves dans lesquelles les vins vont passer deux hivers (à l’exception du Bourgogne Chardonnay les Ursulines).

Nous pénétrons dans la première des trois caves des vins rouges qui datent de 1896 et dans lesquelles se trouvent 900 fûts de 228l (contenance classique de la barrique bourguignonne) dont 30% sont neufs et fabriqués avec une chauffe longue à faible température afin de ne conférer qu’un boisé discret aux vins.

Au détour d’une cave, nous apercevons au travers d’une grille un lieu de stockage de millésimes anciens et un étrange objet réflecteur que vous pourrez voir d’un autre angle à un autre moment de la visite 😉

La visite se poursuit avec la cave des blancs qui a été entièrement rénovée et habillée de pierre de Bourgogne avec des voûtes ornées de 12 clefs sculptées dans la pierre, inspirées de la Basilique de Vézelay, représentant le travail agricole des mois de l’année et symbolisant le cycle de la nature.

Cette cave abrite 250 fûts de 450 litres (appelés demi-muids) afin de limiter une fois encore l’apport d’arômes boisés aux vins blancs qui sont plus facilement marqués que les vins rouges par le chêne. Les tests ont été initiés en 2003 et ont également montré que cette contenance permettait de préserver l’acidité des vins et la typicité du chardonnay.

Dégustation des vins de la maison Jean Claude Boisset

Laure Guilloteau nous a ensuite fait déguster un vin blanc sur fût : l’équipe de la maison Boisset a choisi d’offrir cette expérience rare au visiteur puisqu’elle est d’ordinaire réservée aux professionnels ou aux dégustations qui précédent les ventes des vins des hospices de Beaune et de Nuits-Saint-Georges par exemple.

🍷Le Marsannay 2018 prélevé sur fût a effectué sa fermentation malo-lactique et commence à se rapprocher de sa « forme » définitive. Nous sommes en présence d’un vin solaire, riche, avec un nez sur la noisette (l’influence du bois est palpable, même si ce n’est pas un fût neuf). Beaucoup de matière mais un certain manque d’acidité. Nous verrons comment ce vin sera lorsqu’il sera commercialisé mais c’est un trait de caractère qui pourrait être commun à beaucoup de vins sur le millésime 2018.

Nous arrivons dans le Coeur de verre, une belle salle vitrée située au fond de la Cave des Blancs dans laquelle les visiteurs dégustent 5 vins.

🍷Marsannay 2016 (blanc)
La dégustation de vins en bouteille débute par le même vin que celui dégusté sur fût pour montrer au visiteur le chemin qui reste à parcourir au vin qui se trouve encore en fût.
C’est un joli vin sur le fruit avec de la rondeur et une belle acidité. Il y a de la concentration et une jolie persistance aromatique.
Ce vin est issu de la parcelle « Le Clos » qui a été vendangée début octobre. 1/3 de fût neuf.

🍷 Meursault 1er Cru « Les Charmes » 2015 (blanc)
2015 est un millésime chaud, solaire, on retrouve cet effet millésime dans le vin. On plus de concentration et de profondeur que dans le vin précédent. De jolis arômes toastés (pain grillé), de noisette puis de tilleul nous parviennent au nez. Belle texture avec du gras en bouche : pas de doute, nous sommes à Meursault ! La finale est saline et très persistante.
Passage en fûts de 18 mois (50% fûts neufs).

🍷 Gevrey-Chambertin « En Champs » 2016 (rouge)
Nez séduisant sur la rose séchée. Un peu austère de prime abord en bouche mais les tannins sont élégants et souples.
« En champs » est le plus sérieux des 3 Gevrey-Chambertin produits par la maison. La vigne est centenaire, 900 bouteilles ont été produites en 2016, avec 50% de vendange entière et 16 mois d’élevage en fûts (dont 1/3 de fûts neufs)

🍷Pommard 1er Cru « Les Arvelets » 2016 (rouge)
Le nez est plus intense, sur des arômes presque animaux et les fruits noirs. La bouche est étonnamment souple pour un Pommard, soyeuse et avec des tannins d’ores et déjà fondus. On sent la finesse de ce grand millésime, la soin apporté lors de la vinification et de l’élevage.
Pas de vendange entière, 33 jours de macération sur ces vins (ce sont les derniers !), 14 mois d’élevage en futs (dont 1/3 de fûts neufs). 2000 bouteilles.

🍷Nuits-Saint-Georges 1er Cru « Les Perrières » 2015 (rouge)
Au nez, on devine le calcaire, on trouve des fruits rouges et quelques épices délicatement suggérées. En bouche, le vin est ciselé et pur mais aussi chaleureux, avec des tannins murs et intégrés mais bien présents. Quelle fraicheur, quel équilibre ! C’est incontestablement le coup de coeur de la dégustation !
50% de fûts neufs. 900 bouteilles.

Il est temps de remonter à la surface. Je ne résiste pas à l’envie de vos montrer quelques photos de l’Oenothèque, des trésors acquis et/ou conservés par la maison dans une cave qui n’est pas encore dans le parcours de visite.


Détails pratiques de la visite de la Cuverie des Ursulines

Comme expliqué précédemment, les particuliers peuvent visiter la Cuverie des Ursulines. Voici les modalités :

Visite guidée et dégustation commentée en français et en anglais
Tous les jours du lundi au samedi à 10h
Durée de la visite : 1h15
Groupe 12 personnes maximum
Dégustation de 6 vins dont un vin sur fût
Tarif : 32€ par personne

Vous pouvez réserver votre visite à cette adresse.


Ce bâtiment est une prouesse architecturale, un lieu de vinification et d’élevage à la fois moderne et traditionnel formant un écrin idéal pour les vins qui y naitront. C’est également un lieu qui vient renforcer et faire monter en gamme l’offre oeno-touristique encore balbutiante en Bourgogne sans renier l’identité bourguignonne intimiste.

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