En champagne actuellement, on ne parle que du millésime 2008. Si la très grande majorité des vignerons indépendants ont depuis bien longtemps épuisé leurs stocks de ce merveilleux millésime, les grandes maisons sont actuellement en train de le commercialiser : Cristal de Roederer 2008 et Dom Pérignon 2008 l’an passé, La Grande Dame 2008 de Veuve Clicquot ou encore la Grande Année 2008 de Bollinger.
Chez les vignerons indépendants ou chez certaines grandes maisons (Moët & Chandon par exemple), l’heure est désormais au 2012, un autre très grand millésime. Le mois dernier, en compagnie de Geoffrey Orban, ambassadeur français du Champagne 2006, nous avons étudié ce millésime en dégustant 4 champagnes de vignerons illustrant le diversité champenoise.
Le millésime 2012 en Champagne
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Un millésime commence en réalité l’année précédente, car selon le déroulement du cycle végétatif et la production de la vigne au cours de l’année N-1, la production de l’année N sera plus ou moins importante.
En 2011, le printemps avait été très chaud et sec, occasionnant un déficit de précipitation qui allait surtout pénaliser la campagne 2012. On remarquera le déficit de végétation pendant l’hiver, avec moins de beaux bois de taille par exemple.
Le mois de janvier 2012 a été doux et très sec, provoquant une reprise végétative très précoce. En février 2012, la région subit une chute brutale des températures avec 9 jours de gel et des températures comprises entre -10 et -20°C. La vigne était alors très sensible a donc du se défendre et dépenser de l’énergie.
Le mois de mars a été doux, marquant une accalmie mais avril fut catastrophique, avec des pluies abondantes, du gel (nuits claires), et de fortes pressions de mildiou.
En juin, c’est autour de la grêle de s’abattre sur le vignoble. Elle occasionne de la coulure, du millerandage et du mildiou sur grappes.
Avec les fortes pluies qui tombent sur le vignoble du 4 au 7 juillet, les nappes sont pleines d’eau, même dans la craie à 40cm de profondeur !
Le soleil revient, on a un épisode de canicule du 17 au 19 août, ce qui occasionne de l’échaudage et des alertes de stress hydrique, puis les températures redescendent.
Le début du mois de septembre est sec et chaud, ce qui évite le développement de Botrytis, seule maladie / intempérie à avoir épargné la Champagne en 2012 !
Le bilan est dur, 40% de la récolte est perdue mais en contrepartie, les grappes qui ont résisté sont dans un très bon état sanitaire et arrivent à pleine maturité alors que les premiers coups de sécateur se font entendre mi-septembre.
Dégustation

Champagne Petit & Bajan, « Nuit Blanche » 2012

Le premier vin que nous avons dégusté est un blanc de blancs dont les raisins proviennent de la Côte des blancs, plus précisément des terroirs d’Avize (grande concentration, chaud), Cramant (tendre, crémeux) et Oger (Floral, gourmand, rond).
Le domaine Petit & Bajan est basé à Avize et a été créé en 2008.

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Au nez, on est sur la craie, c’est crémeux, laiteux, puis viennent des notes florales, d’acacia, d’aubépine et enfin des fruits blancs légèrement confits.
La bouche est particulièrement intéressantes car le vin vient titiller le creux de la langue : Geoffrey Orban nous explique que c’est typiquement le marqueur de la craie, du calcium.
C’est élégant, il y a une légère salinité et un très bon équilibre général.
🍽️On a envie de boire ce champagne sur des Saint-Jacques justes snackées et assaissonées d’un peu de fleurs de sel !
Lionel Carreau, « Préembulles » 2012

Nous voyageons à 120km de la Côte des Blancs, dans l’Aube, à Celles-sur-Ource, village situé à 15km de la frontière avec la Bourgogne, au domaine Lionel Carreau.

Les terroirs sont composés de calcaire et de marnes, avec du Pinot Blanc en bas de coteaux, du Pinot Noir et du Chardonnay à mi-coteaux.
Le vin est dosé à 7g/l.
La robe est très brillante, un peu satinée, un trait qui semble commun à tous les 2012.
Le nez est très frais, sur des fruits blancs charnus et croquants, du citron, de la poire, de la verveine fraiche.
En bouche, l’effervescence est plus présente, la bouche est plus opulente que le vin précédent, dense, le vin tapisse les joues, on ressent presque un peu de tannins. Des arômes de framboise se font sentir en fin de bouche.
🍽️Geoffrey Orban accorderait volontiers ce champagne avec un saumon gravlax ou du Saint-Nectaire.
Beaumont des Crayères, « Fleur de Meunier » 2012

Nous remontons à présent du côté de Reims et nous nous arrêtons dans la Vallée de la Marne, sur le terroir de Mardeuil où est installé Beaumont des Crayères.

Le vin que nous dégustons est mono-cépage puisqu’il est composé à 100% de Meunier. Aucun sucre n’est ajouté.
La robe est plus soutenue que les deux vins précédents (le Meunier est un raisin noir), on observe à nouveau le voile satiné et les larmes indiquent que le vin a une densité supérieure (cela provient du sol argileux).
Le nez offre des notes de coing, de clémentine, de rose un peu capiteuse.
En bouche, le vin est dense, il colle à l’avant-bouche, au dessus des lèvres (marqueur de l’argile explique Geoffrey Orban), les bulles dansent sur le palais (silice, sable) et la fin de bouche est marquée par une salinité tranchante. La finale est un peu amère. En se réchauffant, des arômes de mangue, de fruits de la passion naissent.
🍽️Quel accord met-vin pour ce profil de vin ? Un filet de fletan avec une réduction de jus de clémentine par exemple. Si vous le laissez vieillir un peu en cave, buvez le avec du veau, le Meunier est du cépage du veau ! Pourquoi pas accompagné d’une purée à la patate douce et à l’orange.
Champagne Lejeune-Dirvang, « Robert Lejeune » 2012

Notre périple s’achève sur la Montagne de Reims, sur le terroir de Tauxières-Mutry, plus précisément le lieux-dit « Les Putiers », sur un sol de craie et d’argile.

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C’est un 100% Pinot Noir, dosé à 5g/l, élevé 11 mois en fûts de chêne.
La robe est jaune pâle, satinée, fluide avec un peu de gras.
Le nez est vineux, nous sommes en présence d’un pinot noir pulpeux, sur la cerise et la poire.
La bouche est superbe, dense, tri-dimensionnelle, juteuse, avec une finale saline. On sent une très bonne maitrise du fût. Des arômes de grenade arrivent en rétro.
🍽️Avec un champagne de cette puissance, Geoffrey Orban n’hésite pas à suggérer de partir sur une entrecôte ou une noisette de chevreuil.
Conclusion sur le millésime 2012
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Nous avons donc dégusté un blanc de blancs de la Côte des Blancs, un assemblage Pinot Blanc / Chardonnay / Pinot Noir de l’Aube, un blanc de meunier de la Vallée de la Marne et un blanc de pinot noir de la Montagne de Reims. Cet aperçu des expressions des différents cépages, sols et régions de la Champagne est évidemment restreint et résulte d’une sélection mais les 2012 apparaissent déjà très abordables dans leur jeunesse, ils sont expressifs, équilibrés, avec de la matière et un niveau d’acidité qui leur prédit une longue vie ! Achetez les par caisse de 6 ou de 12, buvez en quelques-unes sur le fruit, dans la vigueur de la jeunesse, et suivez l’évolution en en buvant ensuite une tous les deux ans, c’est un « exercice » (une corvée !) passionnant à faire !