Dégustation Brouilly / Côte de Brouilly

Le Beaujolais a longtemps souffert – et souffre encore aujourd’hui – d’être associé uniquement au beaujolais nouveau et aux vins de piètre qualité qui envahissent les grandes surfaces et bistrots chaque 3ème jeudi de novembre depuis 1985 (la date fut fluctuante après la création de l’appellation en 1951 puis fixée au 15 novembre pendant 20 ans).

Depuis quelques années, la région du Beaujolais fait partie de ces régions qui, à l’instar de la Loire ou du Languedoc, sont les plus dynamiques : les terroirs y sont prometteurs, la marge de progression élevée et le prix du foncier encore abordable pour des jeunes pleins d’idées qui cherchent à créer un domaine.

J’ai assisté il y a quelques jours à une dégustation de vins des appellations Brouilly et Côte-de-Brouilly, partons à leur découverte !

Beaujolais

La région Beaujolais vient après le Maconnais lorsque l’on descend en direction de Lyon et est à cheval sur les départements de la Saône et Loire et du Rhône.

Le cépage roi de la région est le Gamay (98% de la surface plantée) dont Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne avait interdit la culture au nord de Mâcon (où il est d’ailleurs toujours présent à l’heure actuelle)

Le découpage du vignoble est relativement simple, on trouve :

  • Deux appellations régionales : Beaujolais et Beaujolais village
  • 10 appellations communales (dits Crus) : Brouilly, Chénas, Chiroubles, Côte-de-brouilly, Fleurie, Juliénas, Morgon (qui possède 6 climats dont le célèbre Côte du Py), Moulin-à-vent, Régnié et Saint-amour.

Brouilly et Côte-de-Brouilly

Présentation du vignoble de Brouilly et Côte de Brouilly

Autour du Mont Brouilly (surnommé le phare du Beaujolais) s’étendent les deux crus les plus sudistes du Beaujolais qui représentent 1/4 de la production des 10 crus du Beaujolais :

  • Brouilly : 1.227 hectares en production répartis sur 6 communes, avec 400 vignerons actifs. On y trouve sur la moitié de la surface des sols de granit rose (âgé de 300 millions d’années) et sur l’autre moitié des éboulis argileux des pierres bleues (âgées de 400 millions d’années!), des alluvions anciennes caillouteuses et des sols calcaires.
  • Côte-de-Brouilly : 314 hectares en production répartis sur 4 communes, avec 80 vignerons actifs. 1/3 des sols sont issus de granite, le reste est constitué de pierres bleues d’origine volcanique.

Depuis 2016, ces deux crus sont engagés dans une démarche de caractérisation de leurs terroirs afin d’identifier précisément des Lieux-dits et de les étendre peut-être à des parcelles non classées à ce jour. Sur la base de profils de sols établis par une agence et grâce à un travail de collaboration entre les vignerons, 89 lieux-dits ont été répertoriés en Brouilly et 19 en Côte de Brouilly. Les lieux-dits ont commencé à être mentionnés sur les étiquettes en 2018, affaire à suivre !

Vinification du gamay dans le Beaujolais

La spécificité de la vinification dans le Beaujolais réside dans l’emploi de la technique de macération semi-carbonique lors de la fermentation alcoolique. Cette technique est principalement utilisée pour les vins primeurs (comme le Beaujolais Nouveau) mais son usage s’est étendu à certains vins de garde comme les crus du Beaujolais ou encore certains cépages comme le Carignan (sur l’AOC Corbières-Boutenac en Languedoc par exemple) pour lesquels elle est particulièrement adaptée.

On doit cette technique à Michel Flanzy puis Jules Chauvet qui se sont eux-mêmes appuyés sur des travaux de Pasteur et d’autres avant lui. La macération permet de préserver la fraicheur, confère des arômes de fruits frais et limite la présence de tannins.

Sans trop entrer dans les détails, il faut pour mettre en oeuvre cette technique récolter à la main et encuver les grappes entières (non éraflées, non foulées).

Source : monocepage.com

Sous leur propre poids, les raisins vont se tasser et produire du jus qui va se déposer au fond de la cuve où une fermentation alcoolique classique débute sous l’action des levures. La cuve n’est pas hermétique (contrairement à la pure macération carbonique) mais le CO2 produit pendant la fermentation est plus lourd que l’oxygène et va donc l’empêcher de rentrer. Au milieu de la cuve et en contact avec les grappes, le jus va se colorer grâce aux pigments contenus dans la peau. Enfin, dans la partie haute de la cuve se déclenche une fermentation intra-pelliculaire qui va entrainer des modifications complexes de la composition des raisins et permettre le développement d’arômes spécifiques.

Lors du décuvage, on soutire tout d’abord le jus de goutte (qui a coulé naturellement et est le plus pur) puis on presse délicatement les raisins qui étaient en haut de la cuve pour obtenir le jus de presse qui contient encore du sucre et devra achever sa fermentation rapidement pour conserver les arômes acquis.

Dégustation Brouilly et Côte de Brouilly

Emmanuel Fellot

Emmanuel Fellot nous a proposé une mini-verticale sur son Côte de Brouilly « Les Cailloux » avec les millésimes 2018, 2017 et 2015.

Le 2018 est très frais et fluide, sur le fruit, avec toutefois une pointe d’arômes de banane plutôt caractéristique des vins primeurs. (12,7€)
Le 2017 a des tannins plus présents bien que fondus, on est déjà moins sur le fruit. (12,7€)
Le 2015 quant à lui est prêt à boire, très bien construit, avec de la matière (millésime solaire), de jolies notes de cerise, de framboise, tout en conservant de la fraîcheur. (14,5€)

Domaine des Fournelles

Le Brouilly « La Perrière » 2018 est assez classique, avec de jolis arômes de fruits frais et un côté légèrement épicé. (9€)

Avec le Côte de Brouilly « Godefroy » 2017, on passe au niveau supérieur. La parcelle est orientée sud-est et est située en bas de pente. Moins aromatique au nez mais on gagne en profondeur en bouche, l’équilibre est très beau et le vin reste longtemps en bouche. Superbe vin. (11,50€)

Le Côte de Brouilly « Elixir » 2017 est issu de vieilles vignes (60 ans) et a passé 8 mois en fûts de chêne. Le boisé est marqué à ce stade (arômes vanillés, légère sécheresse en finale) mais ce supplément de structure augure une belle garde ! (15€)

Le Côte de Brouilly « Cave du Louvre » 2015 est issu d’un partenariat avec la cave du Louvre associant à l’occasion d’une soirée un artiste avec un vigneron. Une matière très soyeuse, grande concentration avec un fruit intense, belle réussite !

Domaine Laforest

Domaine certifié HVE, son Côte de Brouilly 2015 m’a particulièrement plu avec ses arômes de fruits déjà un peu confits, ses sensations tactiles intéressantes et sa bouche fraiche en finale malgré le millésime chaud qui fait dire à Pierre Laforest qu’à ce stade, il faudrait ouvrir ce vin 1 jour l’avance ! (13,5€)

Domaine Robert Perroud

Belle rencontre avec Robert Perroud qui est un personnage haut en couleur. Il m’a longuement expliqué qu’il consacrait beaucoup de temps à la vigne afin d’obtenir des raisins d’une grande qualité et de limiter ainsi au maximum les interventions à la cave. Il pratique également l’agroécologie : les rang de vignes sont espacés (6500 pieds /ha) afin de cultiver entre les rangs des céréales, des fleurs ou encore des pommes de terre.

Brouilly « Enfer des Balloquets » 2017. La parcelle a une pente de 40% avec un sol de granit rose. Élevage en foudre. Un fruité élégant et persistant, une jolie matière. (11,90€)

Brouilly Saburin « Cuvée Pollen » 2017. Coteaux ouest, sud et sud-ouest, sol granit profond, vignes de 85 ans. Élevage dans des fûts bourguignons de 10 à 15 vins. Toujours une grande souplesse, ciselé mais aussi plus complexe. (14,70€)

Brouilly Saburin « Cuvée Romain » 2015. Cette cuvée est « cachée » 12 mois dans le noir après la mise en bouteille. On a quelques notes d’évolution, la fin de bouche demande à s’intégrer mais les tannins sont d’une grande finesse. (20€)

Domaine Olivier Pezenneau

Olivier Pezenneau produit 7 cuvées différentes.

Son Brouilly Lieu-dit Combiaty 2017 provient d’une parcelle au sol granit située à 400m d’altitude. Les raisins sont 100% égrappés et avec une macération de 10 à 12 jours. Le nez est sur le fruit, le vin est chaud, solaire, l’alcool est perceptible. (9,5€)
Sur le millésime 2016, on a beaucoup plus de finesse et in fine plus de plaisir tant c’est élégant. Légère amertume en finale. (10€)

Le Côte de Brouilly Lieu-dit Le Quelat 2017 (13 à 15j de cuvaison, 100% égrappé) a un profil différent de son voisin sur le même millésime, notamment du fait de son sol de pierre bleue. On a à la fois plus de structure, un toucher de bouche plus soyeux et de la minéralité. (10,5€)

Agnès & Franck Tavian

Le Brouilly Tradition 2016 est gourmand, sur les petits fruits rouges et très souple. (8,7€)

Le Côte de Brouilly Tradition 2015 (vinifié sans SO2) a un nez sur les fruits noirs, 2015 est un millésime solaire et cela se sent. La bouche est plus ample que le vin précédent mais les tannins sont fondus. Très joli ! (9€)

Le Côte de Brouilly Pierre Bleue Les Berthaudière 2014 n’est commercialisé que 5 ans après la mise en bouteille. Les vignes datent de 1901, la macération dure 15j et le vin a ensuite passé 10 à 18 mois en cuve. C’est soyeux, patiné, fin, élégant, avec une belle fraicheur. Superbe ! (16€)

Château Thivin

Deux très beaux Côte de Brouilly dans la sélection proposée à la dégustation :

Le Côte de Brouilly « Godefroy » 2017 est issu de très vieilles vignes situées à l’est. La bouche est pleine, ample, on a une belle finesse de grain, la finale est souple et longue, légèrement épicée. Très beau vin ! (18,5€)

Le Côte de Brouilly « Zaccharie » 2017 a passé 11 mois en barrique (avec 5% de bois neuf). On monte encore d’un cran dans l’intensité et la structure mais la fin de bouche est à ce stade un peu sèche et mérite un peu de vieillissement en cave.

Perrine Trichard

Perrine Trichard exerce depuis 2003.

Son Brouilly Pisse Vieille 2017 (vignes exposées plein sud) est très accessible, sur des fruits gourmands. (8,8€)

Le Côte de Brouilly Éclat de Roche 2015 (1er millésime de cette cuvée) est issu de vignes très en pente et a passé 18 mois en fûts neuf. On a des notes un peu vanillées au nez et le bois se sent un peu dans la sensation qui reste en fin de bouche. (10€)

Le Côte de Brouilly Éclat de Roche 2017 a connu le même passage en fûts neufs mais n’est pas du tout marqué par le bois, il est plus fluide et frais. (9,8€)

Mathieu Verchere

Mathieu est installé depuis le millésime 2017, tout en continuant à travailler au domaine familial.

Son Brouilly « Clos Bergeron » 2018 est un vin juteux, sur le fruit, un vrai vin de copains ! Sur le millésime 2017, le fruit s’est un peu fané mais on a plus de complexité et de persistance.

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