Pierre & Louis Trapet, Trapet² nouvelle génération

La famille Trapet, c’est un domaine en Bourgogne fondé en 1915 et installé à Gevrey-Chambertin qui exploite 15ha de vignes (90% de pinot noir) conduites en biodynamie depuis 1995 (et qui est auréolé de 3 étoiles au guide de la Revue du Vin de France) mais c’est également un domaine en Alsace depuis le mariage de Jean-Louis Trapet avec Andrée Grayer-Pontius (après une rencontre sur les bancs de la viti de Beaune) dont la famille possédait un domaine à Riquewihr.

Puis les enfants sont arrivés, ils sont aujourd’hui aux manettes alors que Jean-Louis s’efface peu à peu, Pierre plutôt en Alsace, Louis plutôt en Bourgogne. Ils souhaitaient se retrouver sur un projet commun, des vignes appartenant à la belle-famille de Louis (qu’ils accompagnaient déjà depuis 4/5 ans) ont été l’occasion parfaite pour se lancer. Leur premier millésime a été 2020, il sort tout juste des caves à l’exception d’un vin très spécial dont je vous parlerai un peu plus loin !

Pierre (à gauche) et Louis (à droite) Trapet

Leur « jardin » comme ils aiment l’appeler couvre une superficie de 1ha80ares en Côte de Beaune. Meursault, Pommard pour les appellations les plus connues, mais également les très belles appellations d’Auxey-Duresses (dont des parcelles de 1er cru) et Saint-Romain avec des faces nord particulièrement intéressantes compte tenu des perspectives climatiques.

Les grands lignes à la vigne et au chai

On trouve sur ces parcelles de très vieux ceps, les plus vieux ont été plantés en 1924 sur une parcelle d’Auxey et seront donc bientôt centenaires, il y a des chardonnay toujours sur Auxey qui ont été plantés en 1932, des aligoté plantés en 1934. Sur Pommard, les vignes ont 35 ans et la parcelle est intéressante, dans les Vaumuriens hauts, face nord. Les deux frères interviennent le moins possible dans les vignes, un labour par an et une conduite en biodynamie dans la continuité du travail effectué dans les deux domaines familiaux. Ils s’adaptent au réchauffement climatique en rognant plus haut et en remontant les palissages, ils ont pour projet d’installer des échalas (déjà testés en Alsace dans le Schoenenbourg et après des essais d’échalas bas et d’echalas hauts sur plusieurs parcelles à Gevrey-Chambertin) pour apporter de l’ombre aux raisins. Ils pratiquent le semis (fèveroles, seigle, blé, radis, moutarde entre autres) pour protéger les sols, apporter de la matière organique et conserver de l’humidité dans les sols en formant un paillage une fois fauchés.

Les raisins sont vinifiés dans une aile du domaine à Gevrey qui est un ancien relai de poste. Dans les anciennes écuries, sous des arches en pierre sont alignés des oeufs en inox, des pièces et demi-muids.

Des aligotés pas comme les autres

Ma curiosité s’est éveillée lorsque Pierre et Louis m’ont parlé de leur travail sur le cépage aligoté que j’apprécie beaucoup. Leurs 60 ares d’aligoté sont situés sur le climat « sous-châtelet » à Auxey-Duresses, un nom qui vous dit peut-être quelque chose puisque Lalou Bize-Leroy élabore un aligoté au domaine d’Auvenay à partir de ce climat (cote entre 2500 et 3500€ sur un célèbre site de ventes aux enchères..). A partir de ces très belles sélections d’aligotés plantés en 1934 qui dorent parfaitement au soleil, les deux frères récupèrent une dizaine de palettes de raisins, les grappes sont triées une par une et divisées en 3 lots pour être vinifiées de 3 façons différentes. Une partie est vinifiée en pressurage direct, une deuxième partie en macération et les grappes les plus aérées sont isolées pour être…passerillées ! Vous avez bien lu, du passerillage en Bourgogne et sur de l’aligoté, c’est probablement inédit ! Ces grappes ont séché jusqu’au mois de décembre dans un hangar, le sucre ainsi que l’acidité se sont concentrés, elles ont été pressées à Noël, 200 litres de vin avec 250g/l de sucre résiduel ont été obtenus et sont toujours à ce jour en cours d’élevage dans un wineglobe (un contenant en verre mis au point par la famille Paetzold et qui commence à fleurir dans les chais Côte-d’Oriens). Voilà qui promet d’être intéressant !

Les aligoté sont plantés face nord ce qui permet de pouvoir attendre que la maturité se fasse lentement : Pierre et Louis ont pu atteindre 13,05 degrés d’alcool potentiel cette année.

La gamme compte donc 9 vins :

  • en blanc : Saint-Romain, Auxey-Duresses, Meursault Les Vireuils, Aligoté sous-châtelet, Aligoté sous-châtelet macéré et Aligoté sous-châtelet passerillé (encore en cours d’élevage)
  • en rouge : Auxey-Duresses, Auxey-Duresses 1er Cru, Pommard les Vaumuriens

Ce sont les blancs qui m’ont le plus séduit. Le Saint-Romain élevé 15 mois en cuve béton offre un nez pur avec légère réduction intéressante, la bouche offre un superbe équilibre entre une attaque franche et un milieu de bouche enveloppant et rond avant une finale minérale et salivante sur de très beaux amers. L’Auxey-Duresses est davantage sur la rondeur mais avec lui aussi des amers salivants très maitrisés. Le Meursault les Vireuils a été élevé en demi-muids neuf et dans un fût de 3 vins (équivalent 3 pièces), le curseur du bois a été poussé un peu loin mais on est sur un vrai vin de Meursault avec le gras, l’opulence qui caractérise les vins et une grande longueur en bouche. L’aligoté en pressurage direct montre une sacrée maturité avec des arômes légèrement exotiques et une acidité pour équilibrer. L’aligoté macéré se pare d’une couleur ambrée (pas orangée), le nez est éclatant, très expressif, sur la pomme mure, avec en bouche davantage d’ampleur, presque une sensation d’un peu de sucre résiduel et surtout un superbe équilibre entre acidité, amertume et fruit gorgé de soleil grâce à des raisins amenés à maturité optimale.

Sur les rouges, on voit également que Pierre et Louis sont allés chercher la maturité. Le Pommard Vaumuriens offre une légère réduction, des notes de fruits noirs et quelques notes animales qui s’estompent à l’aération. En bouche, c’est souple et élégant avant de se resserrer comme pour montrer que tout de même, c’est un vin de Pommard qui ne doit pas démentir la réputation d’une appellation qui ne se livre pas trop rapidement, même si ce climat est plus affable que d’autres. Le nez de l’Auxey-Duresses 1er cru est plus timide mais également plus profond. La bouche est plus souple que celle du Pommard, le vin prend un grand volume en milieu de bouche, c’est un vin très séduisant !

Un premier millésime très prometteur, il me tarde d’aller voir Pierre et Louis dans leurs vignes et leur chai à Gevrey-Chambertin !

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