Vins d’Exceptions de Gilles Durand-Daguin

« J’ai tâché de respecter le concept de départ, vins d’exception, et d’y mettre de moi-même. Ce livre n’est pas une plaquette publicitaire. Surtout pas. Il raconte ce qui est, les gens comme ils sont. Parfois au risque de leur déplaire. »

écrit Gilles Durand-Daguin dans l’introduction de son imposant livre (240p, 2kg5980, 28cm x 37cm) paru aux éditions Gründ (avec, à la création les éditions Olo) en novembre 2021.

J’ai rencontré Gilles en 2019 à l’occasion d’un voyage de presse à la découverte des vins du val de Loire. Je prends depuis beaucoup de plaisir à lire ses articles pour En Magnum (la revue de Bettane & Desseauve), ses billets du quotidien sur son compte instagram et surtout à déguster et à échanger avec lui régulièrement. Sa plume franche et pleine d’humour est singulière et sa curiosité qui le pousse à sans cesse découvrir de nouvelles pépites dans les régions montantes est rafraichissante.

Alors, oui, je peux témoigner, il y a de lui-même dans ce livre. « Vins d’exception », à la lecture de ce titre, on pourrait de prime abord grimacer, le thème est convenu et il y a sans doute des dizaines de livres sur les domaines iconiques qui font rêver et qui font les gros titres à chaque vente aux enchères. Mais dans ce « thème imposé », il a su sortir un livre différent.

Différent car il y a une projection dans le futur, Gilles a structuré son livre en 3 parties :

  • les vins d’exception de toujours (au premier rang desquels le Domaine de la Romanée-Conti qui ouvre le livre suivi par les domaines Leroy ou encore Armand Rousseau en Bourgogne, Krug, Salon et Bollinger en Champagne, Yquem ou Cheval Blanc à Bordeaux, Egon Müller en Allemagne, Gaja ou Tenuta San Guido en Italie, etc),
  • les vins d’exception d’aujourd’hui (Coche-Dury, Comtes Lafon en Bourgogne, Pierre Overnoy dans le Jura, Selosse ou Egly Ouriet en Champagne, Marcel Deiss en Alsace, Marie-Thérèze Chappaz dans le Valais en Suisse, Penfolds en Australie, Opus One dans la Nappa Valley aux Etats-Unis, etc)
  • et puis les vins d’exception de demain avec des domaines qui montent ou consolident de très belles bases (Louis-Claude Desvignes dans le Beaujolais, Chartogne-Taillet en Champagne, Valentin Zusslin en Alsace, L’Anglore dans le Gard, Berlargus dans la Loire, etc).

Ces vignerons à la renommée plus récente, les professionnels ou amateurs éclairés les connaissent certainement mais nul doute que beaucoup de lecteurs découvriront Alexandre Chartogne ou Valentin Zusslin et pourront pour une somme allant de 40 à 80€ déguster des vins issus de parcelles identifiées pour leur singularité et rigoureusement travaillées en Champagne et en Alsace, des vins qui offrent des sensations tactiles rendant légitime selon moi leur appartenance à la catégorie des vins d’exception. Et cela, c’est réjouissant !

Photographie de Cécile Trembley au milieu de ses vignes pendant la taille (prise par Fabrice Leseigneur)
Photographie © Harry Hannoni

Différent également car le ton est personnel, on ressent par exemple dans le portrait de Cécile Tremblay toute l’admiration que l’auteur a pour cette vigneronne qui en 20 ans a acquis une réputation dans une région où les domaines installés depuis longtemps monopolisent l’attention. « La grande force de Cécile Trembley, c’est un sincérité désarmante […] Elle est de ces vignerons qui ont la main verte, pour qui tout se joue à la vigne. Pas parce que c’est une posture, juste parce que c’est là qu’elle aime être » écrit Gilles, dont les mots sont soutenus comme à de nombreuses reprises par une très belle photographie.

Sur les 101 domaines d’exception sélectionnés, 64 sont français, 29 sont européens et 8 sont hors des frontières du vieux continent. On salue particulièrement la sélection italienne pour laquelle Gilles a bénéficié de l’aide de Nicola Munari ou la sélection allemande qui m’aiguillera dans ma découverte de ce grand vignoble que je connais encore trop peu.

On doit la majorité des superbes photographies de l’ouvrage à Fabrice Leseigneur qui, armé de son Leica SL2, a notamment su renouveler avec son oeil et son esprit l’exercice de la photographie de bouteilles, en mettant en valeur tantôt l’étiquette, tantôt la mention d’un monopole, tantôt une gravure sur la bouteille, autant de petits détails auxquels les vins d’exception sont immédiatement reconnaissables.

Photographie © Fabrice Leseigneur ; texte © Gilles Durand Daguin
© Fabrice Leseigneur
© Fabrice Leseigneur

Enfin, signalons que quelques entretiens issus de numéros d’En Magnum ponctuent le livre : Aubert de Villaine, Lalou Bize-Leroy, Emmanuel Reynaud et Jean-Louis Chave.

Si je devais émettre un regret, c’est peut-être celui de ne pas avoir trouvé en introduction ou sous forme d’essais / de zooms au fil du livre un argumentaire autour des critères qui font d’un vin un « vin d’exception » : histoire exceptionnelle ? localisation / exposition / sous-sol exceptionnel ? Travail sur le matériel végétal exceptionnel ? Sensations tactiles exceptionnelles ? Critère prix du vin (cet équilibre offre / demande qui créé des bulles spéculatives sur des domaines et fait dérailler la Bourgogne…) ? Devant cette réflexion, Gilles m’a expliqué qu’il avait effectivement souhaité entrer immédiatement dans le vif du sujet et que ce livre s’adressait à des initiés et n’avait pas pour objectif d’éduquer les lecteurs sur des questions plus générales du vin. C’est un choix éditorial !

Je recommande ce livre aux amateurs de beaux livres, à celles et ceux qui souhaitent rêver un peu et surtout se forger des bases sur les vins d’exception de toujours et d’aujourd’hui avant d’aller confronter leur palais aux vins d’exception de demain qui sont encore accessibles puis de se mettre en quête des vins d’exception d’après-demain, un quête excitante et sans fin !

69€, disponible dans les bonnes librairies, à la Fnac, ou en dernier recours sur internet.

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