La 159ème Vente des Vins des Hospices de Beaune se tiendra le 17 novembre prochain. Ce jour là, Beaune sera le centre du monde viticole, les acheteurs, dégustateurs et simples amateurs afflueront dans ma belle Bourgogne.
Depuis 2005, c’est la maison de vente aux enchères Christie’s qui est en charge de l’organisation de la vente. Elle fait un important travail de promotion notamment aux Etats-Unis et en Asie et dépêche pas moins de 50 personnes sur place le week-end de la vente. Aujourd’hui avait lieu la conférence de presse de présentation de cette vente.
La Vente des Vins des Hospices de Beaune 2019
La vente aura donc lieu le samedi 17 novembre 2019 sous la grande Halle de Beaune qui jouxte l’Hotel Dieu.
589 pièces (118 pièces de vin blanc et 471 de vin rouge) seront mises en vente cette année, réparties en 50 cuvées (33 de vin rouge et 17 de vin blanc). À tire de comparaison, 828 pièces été passées sous le marteau en 2018 (millésime très généreux), 787 en 2017, 596 en 2016 ou encore 757 pièces en 2015. Je reviendrai sur les rendements un peu plus loin dans l’article mais 2019 signe donc le retour à des quantités modestes après la très (trop?) généreuse année 2018.
La Pièce des Présidents sera cette année un Corton Bressandes Grand Cru. Les recettes tirées de sa vente iront à deux associations :
- L’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM), un centre de recherche de pointe implanté au coeur de la Pitié-Salpétrière et présidé par l’éminent professeur Gérard Saillant. L’objectif de cet institut est d’arriver à prévenir les maladies neurologiques, les anticiper et traiter avant que les maladies ne se déclenchent mais également de créer des parcours de soin personnalisés. L’institut sera soutenu lors de la vente par Tony Parker et peut-être par une autre célébrité qui ne sera dévoilée qu’au dernier moment 😉.
- L’association Autour des Williams créée il y a quinze ans et regroupant des familles d’enfants atteints du syndrome de Williams et Beuren, maladie génétique rare qui résulte de la perte de 28 gènes sur l’un des deux chromosomes 7. L’association sera soutenue lors de la vente par Ophélie Meunier et François-Xavier Demaison.
Le Domaine des Hospices de Beaune
Les Hospices de Beaune sont uniques, elles forment un tryptique composé d’un hôpital civil, d’un musée / monument et d’un domaine viticole.
L’Hôtel Dieu de Beaune a été fondé par Nicolas Rolin – le chancelier du Duc de Bourgogne – et son épouse Guigone de Salins en 1443.
Le domaine des Hospices s’est constitué au fil des années grâce à la générosité des vignerons qui ont légué des parcelles. Il s’étend aujourd’hui sur 60 hectares et est exploité par des vignerons sous contrats qui sont supervisés par la régisseuse du Domaine, Ludivine Griveau, arrivée en 2015 à ce poste.
Le millésime 2019 au Domaine des Hospices de Beaune
Ludivine Griveau a longuement décrit le millésime 2019 et ses choix culturaux et de vinification.
Millésime 2019 en Bourgogne : climatologie et cycle végétatif
La campagne 2019 a débuté avec un déficit de pluviométrie dès les mois de décembre et janvier (manque d’eau 50 à 70% en janvier et février) cumulé à une extrême douceur (3°C au dessus de la normale, l’automne-hiver le plus chaud de ces 25 dernières années) et un excédent d’ensoleillement de plus de 140h par rapport à la moyenne. La reprise d’activité de la vigne est précoce (dès la fin février et jusqu’à la mi-mars)
La nuit du 5 avril va marquer un coup dur : le thermomètre va afficher -3°C dès minuit et pendant plus de 6h, c’est une gelée noire (que l’on va longtemps prendre pour une gelée de printemps en raison de l’hétérogénéité hydrique et de pousse). Un autre épisode de gel survient le 14 avril et mobilise les vignerons comme jamais mais il fera peu de dégâts. Les précipitations sont importantes, et tous ces aléas ont considérablement freiné la pousse (rien ne pousse du 6 au 17 avril), le millésime s’annonce maintenant tardif !
En mai les températures sont fraiches et la pluie manque, la vigne a 20 jours de retard sur 2011 (millésime le plus précoce de la décennie).
Juin est le mois des extrêmes car si le cumul est à peu près dans la moyenne, les premiers jours seront très chauds (on relève plus de 30°C en Côte de Beaune le 2 juin), et les deux dernières semaines seront très chaudes voire caniculaires (du 26 juin au 1er juillet). La floraison a débuté le premier week-end de juin et s’est achevée autour du 18 juin mais l’hétérogénéité est toujours le maitre-mot : sur un même pied, on peut trouver des baies déjà nouées à côté de fleurs à peine passées. La taille des grappes et leur nombre laissent présager des rendements modestes.
Juillet est chaud avec à nouveau un déficit hydrique et le vignoble subit 2 épisodes de grêles (7 juillet sur Savigny et Chorey, 14 juillet sur la colline de Corton) limités mais qui causent tout de même la perte de 10 à 15% de la récolte. La véraison s’enclenche significativement et laisse présager un millésime finalement pas si tardif.
Le mois d’août est plus classique et équilibré avec du soleil, de la pluie, du vent. La maturité progresse rapidement malgré des écarts importants. Les premiers contrôles de maturité ont lieu le 27 aout et le fort ensoleillement de début septembre achève de convaincre Ludivine Griveau et son équipe : la vendange débutera finalement début septembre !
Millésime 2019 aux Hospices de Beaune : les choix de Ludivine Griveau
On peut résumer ainsi le millésime 2019 :
- Une pousse irrégulière de la vigne +
- Un déficit hydrique +
- L’absence de mildiou / une pression oïdium élevée
- De fortes chaleurs et un vent particulièrement présent
- Des stades hétérogènes au sein d’une même parcelle voire d’un même cep.
Sur la base de ces éléments, Ludivine Griveau a fait ses choix de culture et de vinification.
Culture
Le domaine a été conduit intégralement en bio avec 11 traitements (soufre et cuivre) et un vrai travail d’optimisation de chaque passage (prise en compte du vent, de la température, de l’état du feuillage, réglage des pulvérisateurs)
Ludivine et ses équipes ont pratiqué un dédoublage systématique mais avec un ébourgeonnage modéré mi-mai (conscients des baisses de rendement à prévoir du fait des gelées d’avril). Il a été décidé de ne pas faire d’écimage (couper le dessus de la vigne) avant la fin de la floraison, afin de ne pas faire monter la sève et de la laisser vers les fleurs, ce qui a occasionné une « bataille » avec les vignerons tant cela changeait des pratiques. La hauteur de rognage a été la plus haute possible. Ils ont pratiqué un effeuillage précoce dès mi-juin (entrecoeurs) car lorsque les raisins sont exposés tôt au soleil, ils résistent mieux à l’échaudage, et un couvert végétal raisonné au cas par cas. Pour les labours, il a été décidé de faire très peu de passages afin de laisser les mauvaises herbes et de conserver l’humidité dans le sol, là où les racines en avaient besoin.
Enfin, les équipes ont mis en place un maillage hebdomadaire de l’ensemble du parcellaire pour suivre le cycle végétatif et prendre les décisions les mieux informées possible.
La vendange
Les premiers contrôles de maturité ont eu lieu le 27 août, avec d’ores et déjà du sucre et de l’acidité, des saveurs généreuses, des peaux avec des tannins soyeux. Les rafles et les pépins étaient en deçà mais face à la montée des degrés, Ludivine Griveau a privilégié l’équilibre sucre / acidité.
C’est Chaintré qui a ouvert le bal des vendanges le 6 septembre. En Côte d’Or, les premiers Chardonnay ont été récoltés le 9 septembre (Clos des Mouches) et enfin les premiers Pinot Noir sont entrés en cuverie le 12 septembre (Volnay et Pommard en premier). Les vendanges se sont achevées le 20 septembre, les 60 hectares ont été vendangés en 12 jours et sous le soleil !
La vinification
En ce qui concerne la vinification, Ludivine Griveau a choisi :
- Pour les rouges : d’effectuer un double tri, ce qui a nécessité un éraflage à 100% puisqu’on a fait un tri baie par baie, une cuvaison de 18 jours (fourchette haute) et une extraction en deux temps (on a d’abord laissé faire puis on s’est rendu compte qu’il fallait intervenir – via pigeage notamment – pour extraire tout ce qui était contenu dans les peaux en 2ème partie de macération). Les climats ont été vinifiés séparément et Ludivine Griveau a effectué quelques vinifications sans soufre.
- Pour les blancs : de faire des pressurages longs avec des pressions élevées (2 bars), de ne pas faire de correction d’acidité car les sucres se sont concentrés par évaporation, tout comme l’acidité (à l’inverse de 2018), et de faire un gros travail avec les lies qui étaient de grande qualité.
Les rendements ont été de 24 à 27hl/ha pour les rouges et 23 à 24hl/ha pour les blancs. Certaines parcelles ont été plus touchées que d’autres par la faiblesse des rendements – Volnay-Santenots, Mazis-Chambertin – alors que d’autres ont eu des rendements dans la moyenne – Echezeaux, Clos de la Roche.
Comme indiqué au début de l’article, 589 pièces (118 pièces de vin blanc et 471 de vin rouge) ont été élaborées.
La Pièce des Présidents a été particulièrement choyée cette année, il s’agit d’un Corton Grand Cru Les Bressandes dont une seule pièce a été constituée, le reste du vin de ce climat rejoignant l’assemblage de l’emblématique Corton Grand Cru Cuvée Charlotte Dumay. Le fût de la Pièce des Présidents a été élaboré par la tonnellerie La Grange (créée en 2016 par Sylvain Charlois) à partir de merrains issus de la Forêt des Bertranges (Nièvre) au grain extra-fin séché pendant 40 mois et ayant subi une chauffe légère.
Dégustation de vins des Hospices de Beaune
Avant la dégustation des 2019 sur fûts la veille de la vente des vins, nous avons pu déguster 2 vins du millésime 2015 et 2 vins du millésime 2016.
Meursault 1er Cru Genevrières Cuvée Philippe Le Bon 2015
Climat : Genevrières dessous, Genevrières dessus – 0,57 ha
Notes lactées, beurrées au nez (élevage) mais avec un côté minéral, frais qui sous-tend. En bouche, c’est vertical, traçant avec une onctuosité en milieu de bouche et salin sur la finale. Quelle élégance !
Corton-Charlemagne Grand Cru Cuvée François de Salins 2016
Climat : Le Charlemagne – 0,47 ha
Le nez est puissant, grillé, boisé, sur des notes de noisette. La bouche est plus ample que le Meursault, c’est gras. Si le Meursault jouait dans la finesse, le CC casse tout sur son passage. Très grande et belle persistance aromatique.
Beaune 1er Cru Cuvée Guigone de Salins 2016
Climat : Les Seurey, Les Bressandes, Les Champs Pimont – 2,64 ha
Le nez est assez timide, avec quelques notes animales. En bouche, c’est souple et fluide avec en rétro des arômes de fruits rouges frais. C’est un vin frais qui se livre bien aujourd’hui.
Pommard 1er Cru « Les Epenots » Cuvée Dom Goblet » 2015
Climat : Les Petits Epenots – 0,80 ha
Dès le nez, on sent un vin plus musclé, plus nerveux avec une aromatique sur les fruits rouges et noirs. En bouche, il y a plus de matière que le vin précédent, la texture est plus épaisse bien que souple, les tannins sont encore très présents (légèrement asséchants à la première gorgée mais cela s’estompe très vite à l’aération) mais fondus. Un beau vin qui en a sous le pied !
Rendez-vous mi-novembre pour la dégustation des vins du millésime 2019 et le résultat de enchères !
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