Le long de l’Avenue de Champagne : Boizel, Perrier-Jouët, Pol Roger

Lors de mon court séjour à Épernay en décembre dernier à l’occasion d’Habits de Lumières (et Habits de Saveurs), 3 maisons de champagne nous ont ouvert leurs portes : Boizel, Perrier-Jouët et Pol Roger. Remontons l’Avenue de Champagne à leur découverte !

Champagne Boizel

 

Alors que les festivités publiques battaient leur plein sur l’Avenue de Champagne et dans les cours des Maisons, certaines maisons organisaient des réceptions privées pour leurs employés ou leurs clients. À l’occasion de la réception organisée par la maison Boizel, nous avons été reçus par Lionel Boizel qui vient tout juste de reprendre la direction de l’entreprise familiale avec son frère Florent après le retrait de leurs parents Evelyne et Christophe Roques-Boizel.

Histoire de la maison Boizel

 

Fondée en 1834, la maison Boizel a la particularité de posséder très peu de vignes (7ha) mais de bénéficier d’un approvisionnement de 80ha qui lui permet de produire environ 500.000 bouteilles par an.

La maison familiale s’est rapprochée du groupement Chanoine Frères et Champenoise des Grands Vins en 1994 et a acquis successivement les maisons Philipponnat, de Venoge ou encore Lanson, la holding prenant le nom Lanson-BCC en 2010. Lionel Boizel assure que l’indépendance des maisons est totale et que les rapprochements ont simplement permis une plus grande force de frappe financière.

Dégustation

 

Champagne Boizel, Brut Réserve

 

30% Chardonnay, 55% Pinot Noir, 15% Pinot Meunier. 30% de vins de réserve (des deux vendanges précédentes). Vieillissement de 3 ans sur lies. Dosage : 8g/l. Dégorgement : Juin 2018.

C’est la cuvée porte-étendard de la maison et c’est un joli brut sans année. Le pinot noir dominant ainsi que la proportion élevée de vins de réserve apportent une belle vinosité à ce champagne qui s’ouvre sur un nez finement grillé, des fruits secs et des fleurs blanches. L’effervescence est assez crémeuse, le dosage bien intégré. Le tout est équilibré.

Champagne Boizel, Brut Rosé

 

Nous avons ensuite dégusté le rosé de la maison.

20% Chardonnay, 50% Pinot noir (dont 8% vinifiée en rouge), 30% Pinot meunier. 20% de vins de réserve. Vieillissement 3 ans sur lies. Dosage: 8 gr/l

C’est un rosé classique, assez léger, sur des arômes de fruits rouges, un soupçon d’agrumes et une finale finement épicée.

Perrier-Jouët

 

À l’issue d’Habits de Saveurs, nous avons été conviés à déjeuner chez la Maison Perrier-Jouët.

Histoire de la maison Perrier-Jouët

 

Fondée en 1811 par Pierre-Nicolas Perrier et Adèle Jouët, la maison Perrier-Jouët possède 65 hectares de vignes (majoritairement en premiers et grands crus avec comme colonne vertébrale de très belles parcelles dans ce qu’ils surnomment le triangle magique : Avize, Cramant, Mailly, Aÿ et Dizy) et s’approvisionne auprès de vignerons fidèles pour produire 3,6 millions de bouteilles par an.

Perrier-Jouët a élaboré le premier champagne brut en 1846 avec une cuvée dosée à 20g/l.

La maison est devenue un symbole de l’art nouveau en exhumant en 1964 des bouteilles décorées pour des essais en 1902 par Émile Gallé qui avait dessiné des anémones blanches qui ont été reprises (émail sur verre) lors de la création de la cuvée Belle Époque.

La maison appartient au groupe Pernod-Ricard depuis 2005.

Déjeuner avec les champagnes Perrier-Jouët

 

 

Nous avons pris l’apéritif avec la dernière-née (en 2017) des cuvées de la maison : le Blanc de Blancs non millésimé. Perrier-Jouët produisait déjà une version blanc de blancs de sa cuvée Belle Époque mais en quantité très limitée et les années exceptionnelles.

15% de vins de réserve, 3 ans de vieillissement sur lies et 8g/l de dosage.

Un des plus beaux blanc de blancs non millésimé que j’ai pu déguster, des fleurs printanières, des fruits blancs, une effervescence crémeuse qui s’efface élégamment en finale. Délicat et généreux à la fois, c’est une ode à ce superbe cépage qu’est le chardonnay.

Pour le déjeuner, nous avons pris place dans un salon récemment rénové dans lequel se trouvent des journaux d’archives notamment commerciales. À ma table se trouvaient Florent Boizel de la maison éponyme et Séverine Frerson qui a rejoint la maison Perrier-Jouët en septembre 2018 après 16 années passées chez Piper-Heidsieck et qui est destinée à prendre la suite d’Hervé Deschamps comme chef de cave de la maison !

J’ai notamment évoqué avec eux la prise en compte croissante des enjeux environnementaux et la nécessité de s’engager vers une viticulture plus durable. Les deux responsables de maisons ont à-priori exclu une conversion en bio à court ou moyen-terme de leurs vignes, argumentant qu’ils devaient dans un premier temps tirer leurs vignerons partenaires vers les certifications Haute Valeur Environnementale qu’ils possèdent déjà (pour Perrier-Joüet) ou dont ils sont en cours d’acquisition (pour Boizel) afin d’uniformiser les pratiques et créer une dynamique sur ce sujet.

Avec l’entrée, un trio de saint-Jacques (crue au sésame, safranée et poëlée à l’aneth) sur son risotto, nous avons dégusté la cuvée Grand Brut. Bonne introduction au style Perrier-Jouët : vif, racé, floral, arômes de coing et une acidité sur les agrumes.

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La cuisse de pintade était accompagnée par la cuvée Belle Époque 2011.

50% Chardonnay (Cramant, Avize notamment), 45% Pinot Noir (nord de la montagne de Reims), 5% Pinot Meunier (Dizy). Dosage: 9g/l.

2011 a été un millésime compliqué, précoce et avec des vendanges compliquées à cause d’une météo chaotique. Peu de maisons ont millésimé 2011, encore moins leur cuvée de prestige. Mais Hervé Deschamps a considéré au moment des assemblages que les vins clairs reflétaient le style floral de la maison.

Ce champagne est très jeune mais il est en effet vraiment représentatif du style Perrier-Jouët : la prédominance du chardonnay dans l’assemblage, des arômes floraux (acacia), des fruits blancs (la pêche) des agrumes (pomelos) pour la tension, un vin vertical, éthéré, très équilibré, avec une finale minérale. Il manque encore de complexité mais il a le pédigrée pour se patiner avec un peu de vieillissement en cave.

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Avec le dessert, nous dégustons la cuvée Belle Époque Rosé 2006.

50% Chardonnay (Cramant, Aÿ, Mesnil-sur-Oger, Oger), 45% Pinot Noir (Ambonnay, Mailly et Verzy), 5% Pinot Meunier (Dizy, Venteuil). 15% de vin rouge.

Un champagne très expressif qui semble avoir atteint une phase de maturité. La couleur d’un saumon intense est absolument superbe, le nez est ouvert, légèrement fumé, sur des arômes de fruits rouges (framboise, fraise des bois), orange sanguine.

L’attaque en bouche est vive, fraiche, puis viens la rondeur. Il y a de la matière en bouche, et alors que le vin se réchauffe, viennent des notes beurrées, toastées, de miel, de caramel. C’est un champagne très complexe, avec une multitude de couches qui se superposent dans un équilibre parfait. Superbe.

Une belle plongée dans les champagnes de cette maison à l’identité forte et dont la gamme fait preuve d’une grande cohérence !

Pol Roger

Pour terminer, nous avons visité les caves de la maison Pol Roger en compagnie d’Hubert de Billy, 5ème génération à la tête de la prestigieuse maison.

Histoire de la maison

 

Fondée en 1849, la maison Pol Roger possède aujourd’hui 92 hectares de vignes (ce qui représente 50% de ses besoins en raisins) et commercialise 1,7 millions de bouteilles par an (dont 85% à l’étranger). Damien Cambres en est le chef de cave depuis avril 2018, à la suite de Dominique Petit parti à la retraite après 19 années passées à élaborer les différentes cuvées de la maison.

Pol Roger s’est lancé dans un plan d’investissement de 45M€ dans son outil productif pour soutenir sa croissance. Contrairement à de nombreuses maisons qui quittent Epernay pour construire de vastes centres de production dans les villages alentours, Pol Roger a décidé de rester à Épernay, en construisant à l’endroit où ses caves s’étaient effondrées en 1899 (ensevelissant 1,5 millions de bouteilles, dont une quinzaine ont été retrouvées intactes lors de premières fouilles en 2018) et en récupérant des locaux qu’elle louait à la maison Vranken.

Visite des caves

 

Hubert de Billy

Guidés par Hubert de Billy qui dirige la maison, nous entamons un tour qui va suivre les étapes clés de la fabrication du champagne et nous débutons naturellement la visite par la cuverie ultra-moderne (finalisée en 2012) où sont apportés les moûts après les vendanges et le pressurage.

La vinification se fait à 100% en cuves inox thermorégulées depuis 2012 ( 200 cuves de tailles différentes pour pouvoir isoler les crus et cépages et avoir une large palette à disposition lors des assemblages) pour conserver la pureté du fruit et la fraicheur. On effectue un débourbage à froid (à 6°C), la fermentation alcoolique se fait à une température contrôlée de 18°C et les vins font systématiquement et entièrement leur fermentation malo-lactique.

La plus grosse cuve inox de la maison
Panneau de contrôle des températures des cuves inox

Nous descendons dans les caves de la maison qui sont les plus profondes d’Épernay (jusqu’à 35 mètres) et s’étendent sur 7,5km répartis sur 3 niveaux. Une dizaine de millions de bouteilles reposent en attendant leur heure.

Une fois la fermentation alcoolique effectuée dans les cuves et les assemblages réalisés (pour chaque cuvée, on va mélanger des vins de différents cépages, villages et millésimes – pour le brut sans année ou Pure), le vin est mis en bouteille et on lui ajoute une liqueur de tirage qui contient du sucre et des levures. Les levures transforment le sucre en alcool et dégagent du CO2, c’est la seconde fermentation qui transforme le vin tranquille en champagne ! Cette opération survient lorsque les bouteilles sont couchées les unes sur les autres. On va les laisser vieillir ainsi sur leur lies, entre 3,5 et 4,5 ans pour le Brut Réserve (là ou 15 mois seulement sont requis par le cahier des charges de l’appellation champagne).

Des codes inscrits sur les ardoises permettent de savoir à quelle cuvée correspondent ces bouteilles
Piles de bouteilles à perte de vue
Au fond de la bouteille, les lies qui sont les levures mortes après avoir absorbé le sucre et rejeté du gaz carbonique

Des galeries entières de pupitres s’offrent ensuite à notre vue, et c’est là une des particularités de la maison Pol Roger : toutes les bouteilles (de toutes les cuvées dans tous les formats) sont encore remuées à la main. La Champagne compte 12 remueurs professionnels à plein temps, 4 sont employés par Pol Roger. Le remuage permet de faire glisser les lies jusqu’au goulot. Ces lies seront ensuite retirées de la bouteille au moyen d’un bain de glace qui va en faire un glaçon qui sera expulsé (mécaniquement ou à la main) par le gaz carbonique.

Pupitres de remuage pour bouteilles 75cl
Jeroboams (300cl) sur des pupitres de remuage adaptés

Nous continuons à arpenter les galeries. Un caveau fermé par une grille nous interpelle. Hubert de Billy nous explique qu’il s’agit d’un des caveaux renfermant des bouteilles de l’Oenothèque : la maison conserve une petite quantité de certaines cuvées pour former une « librairie » de ses vins. Ici, on aperçoit notamment des bouteilles de la cuvée Winston Churchill 2000.

Nous remontons à la surface et terminons la visite par la chaine de dégorgement (expulsion des lies), d’ajout de la liqueur de dosage (qui détermine la quantité de sucre dans le vin et donne sa dénomination brut, extra-brut, demi-sec, sec au champagne), de bouchage liège, de nettoyage et d’habillage de la bouteille, et d’emballage dans des cartons.

Les palettes de champagnes sont prêtes à être expédiées partout dans le monde !

Merci à Hubert de Billy d’avoir pris le temps de nous faire visiter sa belle et prestigieuse maison qui séduit tant les anglais !

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